On s'y
baignait parfois nus
Je vous parle d’un temps, que les moins de quatre-vingt ans ne
peuvent pas connaître. Un temps où il n’y avait ni
« d’iPhone », ni de « smartphone », ni même de
GSM.
Un temps, où on ne s’amusait que dans le monde réel.
Les gamins en culottes courtes courraient dans nos rues, défiant
l’hiver à coup de boules de neige et l’été, à coup d’épées de
bois. Quand ils n’étaient simplement pas nus dans la rivière.
C’était une époque où la radio faisait ses débuts, enfin je veux
dire la TSF. Alors, n’imaginons même pas la télévision !
Un temps, où quelques-uns d’entre-nous apprirent à nager
suspendus à un fil traversant la piscine. Encouragés par le maître
nageur, le pied nu sur l’épais rebord du grand bassin exposant ses
six orteils, nous faisions quelques longueurs pour nous affranchir
de la crainte de l’eau.
Je devais avoir une dizaine d’années quand j’en voulais à
l’ennemi d’occuper à lui seul notre unique lieu de fraîcheur,
durant les étés torrides qu’avait connu la guerre. Eux se
baignaient parfois nus, alors que nous, nous suions à grosses
gouttes sans même oser protester.
Puis vint le temps de la libération, où à mes quinze ans révolus,
je prétextais la pratique des sports nautiques pour rejoindre mes
amourettes à l’abri du regard des curieux dans ce petit coin vert,
juste au sommet de son rocher surplombant ce petit monde qui
s’amusait.
Il eut le temps où, par un beau dimanche, j’ai rencontré la
personne avec qui j’ai partagé ma vie. Nous y avions dansé l’après
midi et nous nous sommes mariés quelques mois plus tard.
Au fil du temps, nous y sommes revenus avec nos enfants. Nous
regardions parfois les joueurs de bouloirs, quand nous ne
poussions pas nos bambins sur les balançoires. Ils y apprirent
également à nager. A leur tous Ils se sont mariés et ont eu des
enfants.
Le temps a passé et avec lui Binche Plage s’en est allé. Mes
petits enfants n’auront pas la chance d’y apprendre à nager
suspendus a un fil, comme nous l’avions fait.
D’après les propos de L.C. recueillis par Emmanuel